Renouvellement urbain
2008, Etouvie-Amiens [Somme]
Renouvellement urbain Etouvie – Amiens 2004/2008
2004 : Etude de définition
Communauté d’agglomération
Pierre Bernard architecte, chef de projet |
1. INTENTIONS TERRITORIALES ET URBAINES 1. L’unité territoriale de l’Ouest Amiénois Etouvie est un quartier d’Amiens L’ouest amiénois est un territoire géographique, où les présences naturelles sont déterminantes, qu’elles soient celles du relief, de l’orientation du soleil, de l’eau ou des végétations qui leur sont associées. La continuité de la relation aux bords de Somme est le lien le plus solide à offrir aux fragments de la ville. Les formes construites qui habitent ce territoire sont actuellement disparates et agglomérées en zones monofonctionnelles et autarciques. Le grand paysage de la vallée de la Somme qui caractérise cette unité territoriale est en attente de pratiques valorisantes. |
2. Construire la continuité de la ville
La mise en évidence de l’axe Est-Ouest de Montières à Etouvie, fait exister l’unité du territoire tout en valorisant sa diversité. Le projet réunit des ensembles qui aujourd’hui ne dialoguent pas et que l’on ne peut pourtant dissocier dans une dynamique à l’échelle urbaine. Il s’agit d’ouvrir ces quartiers sur eux-mêmes, de les ouvrir au paysage et de les orienter vers le centre. Le développement du réseau de rues longues associe des types de logements, d’équipements, d’activités, dans une relation urbaine étendue. Les rues sont raccordées, prolongées ou créées pour renforcer la continuité du territoire jusqu’au centre. Les déplacements rendus fluides privilégient le trafic sans favoriser la vitesse. L’espace public est mieux identifié autour de points d’intensité qui s’égrènent naturellement le long des voies. Ces points d’intensité correspondent à des situations dont le potentiel urbain se révèle et permet d’établir de nouvelles relations élargies. |
D’Est en Ouest les lignes de raisons construisent une nouvelle silhouette urbaine faite de continuités et de seuils progressifs entre les différents types et échelles bâtis. Du Sud au Nord, les lignes de coeur confortent la pratique pedestre populaire des quartiers habités. Elles associent habitation, travail, sport et toute la vie du quartier dans un rapport large aux sites.
3. Ouvrir les quartiers les uns aux autres Ouvrir la ville sur son environnement Les agrafes expriment les solidarités des quartiers avec leur environnement urbain et naturel. Ces agrafes ont toutes une manière particulière de traiter la relation du territoire aux multiples contextes urbains et paysagers environnants. Elles prennent lieu là où existent des amorces susceptibles d’être valorisées, prolongées, raccordées… 4. Equilibrer les densités : depuis le quartier d’Etouvie jusqu’au centre-ville La construction de continuités urbaines génère de nouvelles opportunités pour l’habitat : en bords de Somme, en front des rues, dans l’intérieur des grands |
îlots, dans l’épaisseur du territoire. Elle offre de nouvelles possibilités d’associer l’habitat et le travail et d’établir un meilleur équilibre des densités de population, garant de l’ouverture des quartiers.
La dédensification de 10% du quartier d’Etouvie et la démolition/reconstruction d’une partie des patrimoines sociaux permet la diversification du logement et des fonctions urbaines. L’urbanisation de Montières, menée en parallèle des opérations de rénovation urbaine du quartier d’Etouvie, accroît de 10 à 15% le potentiel de logements de l’unité territoriale de l’Ouest amiénois. La requalification du maillage urbain diversifie l’offre en emprises pour l’activité sur Montières et Etouvie. |
2 LE PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN D’ETOUVIE
Le projet de renouvellement urbain d’Etouvie décline plusieurs façons d’ouvrir le quartier. Les interventions ne se limitent pas à un périmètre strict : elles sont à la mesure de l’histoire et de la géographie d’un site (habité depuis seulement une cinquantaine d’années). La construction d’Etouvie s’est étalée sur vingt ans (des années cinquante à soixante dix). Elle ne relève pas d’une conception homogène, même si le quartier s’identifie facilement comme le produit d’une époque de standardisation et d’industrialisation lourde du bâtiment. De fait, on peut dresser à Etouvie un inventaire des formes de l’urbanisation ordinaire de l’après guerre. Aux premières longues barres très rigides, succèdent des îlots de tours et tours / barres qui procèdent d’une première diversification : l’articulation des blocs décrit des îlots ouverts, des formes d’intériorité, de vis-à-vis etc. |
La dernière période d’édification est celle des Coursives, bâtiment monolithe de 350 logements posé sur un socle de commerces. C’est, au-delà de sa masse inflexible, la première construction d’usage mixte.
Un « village des écoles » s’est conforté au fur et à mesure, introduisant une échelle de petits équipements publics, relayée par quelques îlots de maisons individuelles, introvertis et disséminés rues d’Ile de France et de Lorraine. Chacune de ces formes développe une logique propre, sans transition avec les autres. La situation d’isolement voire d’autarcie à l’égard de la ville est prolongée, renchérie par un ensemble d’isolats à l’intérieur du quartier. Le quartier a en quelque sorte confirmé sa fermeture en se construisant. Depuis les années quatre vingt, aucune construction ni réhabilitation n’a pu enrayer le phénomène de vieillissement, même si les collectivités ont investi dans des équipements majeurs. Parallèlement le quartier est resté marqué par l’indifférence de la conception originelle à l’égard de la richesse environnementale qui l’entoure. |
Du point de vue social, c’est évidemment plus complexe. La population est de plus en plus marquée socialement. La mixité sociale tend vers zéro, ce qui concentre et homogénéise les situations difficiles. Mais des « tactiques » riches d’invention dans les pratiques sont apparues, qui ont donné une épaisseur de vie à des espaces qui apparaissent informes à première vue. De même l’éloignement géographique du centre et les divers modes de replis ou d’enfermement ont-ils pour contrepartie d’avoir généré un sentiment de protection, de solidarité et d’identité. Les habitants d’Etouvie font parfois référence au « village » en évoquant leur quartier. Cette projection d’un imaginaire peu conforme à la réalité physique des constructions dénote bien cette impression de former une communauté à part, non intégrée à la ville.
2.1 Les grandes orientations morphologiques : Ces orientations visent ensemble à réinstaurer une dynamique de transformation qui s’est tarie après la construction des Coursives. Aujourd’hui la fixité du quartier précipite les processus de dégradation malgré la gestion de |
Les démolitions de bâtiments participent dans ce cadre à un principe actif du projet en permettant de prolonger ou d’ouvrir de nouvelles voies, en créant de nouvelles relations entre secteurs, îlots ou avec l’environnement urbain et paysager. Cette vitalisation de la trame urbaine réactive l’histoire et la géographie du site de manière le plus souvent chirurgicale. Le travail dans l’épaisseur du quartier inocule une complexité urbaine que chaque concepteur pourra rendre à même de diversifier les manières d’habiter à venir, et rendre capable aussi d’intégrer l’invention des pratiques quotidiennes. |
2.2 Le maillage du quartier :
La fluidité proposée à l’échelle territoriale est intensifiée à l’intérieur du quartier pour en favoriser le caractère traversant. Le maillage exploite au maximum le potentiel des voiries existantes qui sont raccordées les unes aux autres et dont les nombreux culs de sac sont effacés. La géométrie et le gabarit des rues sont réglés pour favoriser le transit et non la vitesse. Le stationnement linéaire est généralisé le long de ces voies de sorte à résorber les actuelles poches amorphes en pieds d’immeubles. D’Est en Ouest, les lignes de raison sont les rues les plus longues. Elles amorcent en lisière du quartier des continuités avec la trame de Montières, et des prolongements qui visent le centre ville. Elles s’appuient sur l’étagement du site donné par le relief. Du Sud au Nord les lignes de cœur sont perpendiculaires au relief et en éprouvent le modelé. Elles développent la ramification existante des petites rues, venelles et passages dont on ne cherche pas à établir la stricte continuité, |
mais qui permettent une approche séquencée et plus lente de la Somme. Les lignes de cœur confortent la pratique pédestre populaire propre à ce quartier : itinéraire pour l’usage et le plaisir, favorables en termes de temps et de lieux pour l’usager qui se déplace à pied à partir de son habitat.
2.3 Les différentes échelles Les continuités initiées par le maillage proposé, développent de nouvelles perspectives possibles et des mises en regard de constructions, d’ensembles bâtis, d’îlots et de formes végétales. Ce qui est aujourd’hui seulement juxtaposé sera traversé et traversant, raccordé visuellement dans des cadrages donnés par des gabarits de rues, posé sur des horizons où de nouveaux repères urbains ou environnementaux sont à construire. La transformation de la silhouette urbaine est possible par la profondeur continue que l’on donne aux perceptions du piéton. Des échelles différentes d’îlots sont ainsi déclinées le long des voies créées ou simplement raccordées. |
Chaque îlot tend vers une mesure qui lui est propre en fonction de la façon d’habiter (logement individuel, collectif, équipement etc.). Cette mesure propre associe le traitement des angles, la possibilité de fronts bâtis, un cœur d’îlot qualifié, une présence végétale et un principe traversant (chemin, dégagement…). La qualité actuelle de pouvoir circuler à pied partout dans le quartier est autant que possible préservée.
Chaque îlot propose en même temps une mesure intermédiaire, qui introduit à l’échelle différente de l’îlot voisin. La décomposition en unités urbaines permet le rythme, la séquence et donc une forme de « négociation » entre des échelles hétérogènes qui aujourd’hui s’ignorent. La multiplicité des échelles de transition offre donc une diversité de situations, facilement relayée par la typologie des logements déclinée en détail dans le plan programmme. Cette diversité articulée pousse chaque secteur à s’extravertir (plutôt que se replier) : elle accompagne le déverrouillage des isolats qui ferment le quartier sur lui-même. |
2/4 L’hybridation des morphologies :
La réorganisation de la trame urbaine, couplée à un enchaînement des échelles de transition doit générer une silhouette urbaine plus fluide. Ce paysage où les organisations végétales ou construites entrent en résonance ne vise pas une homogénéisation du quartier, ni un effacement des formes modernes. L’histoire de la construction du quartier avec ses différentes étapes d’urbanisation est au contraire mise en scène dans une série de parcours qui la rendent visible. Ceci n’est rendu possible qu’en inférant d’autres formes, dont aucune n’est dominante. |
La rue longue que nous introduisons n’est pas un principe morphologique pur : elle peut être ouverte, asymétrique, interrompue, pour peu qu’elle tienne des fronts, qu’elle resserre ou dilate des intervalles, qu’elle architecture des équilibres ou des déséquilibres pour orienter des perceptions et des pratiques.
2.5 Une cartographie des pratiques :Le projet urbain dessine des stratégies à long terme. En complément des principes morphologiques qui soutiennent ces stratégies, nous n’ignorons pas dans le projet les qualités très locales rarement représentables sur les plans. La réalité du quartier est faite de singularités innombrables qui spatialisent autant que les principes urbains. Ce qui est vivant – le végétal par exemple à Etouvie – se déploie, s’atrophie, acquiert une présence qui modifie les perceptions dans un mouvement incessant. De même, les pratiques des résidents qui s’assimilent quelquefois à des tactiques d’amélioration ou d’appropriation (comparativement aux stratégies que nous produisons) ont donné forme à des lieux, à des parcours, à des manières d’habiter. |
C’est cette dynamique qui appelle la vigilance du concepteur : elle maintient ouverte la question de ce qui construit l’identité du quartier. Chacun des principes morphologiques du projet gagne à rester un terrain où l’invention est nécessaire.
Une approche de certaines pratiques collectives offre par exemple l’occasion de nourrir les orientations données au maillage et à l’équilibre public / privé : – l’accroissement de la mobilité et de la rapidité de liaison avec le centre ville est un moteur du projet. Elle ne supplante pas la précieuse lenteur des cheminements, des tours et des détours efficaces pour « être du quartier ». La traversée du quartier et l’importance de la marche à pied qui autorise les enfants à aller seuls à l’école sont des points de départs pour concevoir. – les principes de l’îlot et de la parcellisation modifient l’équilibre des sphères publiques et privées. Cela ne pousse pas pour autant à durcir une limite public / privé qui rendrait étanches les pratiques collectives et individuelles qui sont riches de visites, d’échanges, d’invitations à Etouvie. |
La plupart des typologies de logements peut donner lieu à des prolongements extérieurs, qui font aussi la vie sociale du quartier. Ces prolongements participent par leur visibilité à l’enrichissement de l’espace public. L’espace privé extérieur peut ne pas se limiter pas à l’usage individuel (des espaces privés d’usage collectif réglementé sont initiés dans le projet). Pareillement, l’espace public est aussi habité par le résident, ce qui ne veut pas dire qu’il est domestiqué.
L’ESPACE PUBLIC n’est pas le seul à accueillir des pratiques collectives ; LES ESPACES PRIVES sont aussi des foyers de vie sociale dont LES COEURS D’ILOT sont des espaces partagés et traversés. L’espace public s’adresse à la ville par ses ESPACES CENTRAUX qui structurent le quartier selon un axe Est-Ouest. La porosité du quartier est affirmée par la traversée de CHEMINEMENTS PIETONS qui amènent à la Somme. DES “PIECES” ET MASSES VEGETALES (squares, jardins publics, parcs, …) ménagent des transitions entre l’espace public et les ilots dont les DESSERTES AUTOMOBILES s’insèrent dans un maillage viaire continu ; la végétation accompagne l’espace public par de LONGS ALIGNEMENTS |
D’ARBRES et les rues de desserte des ilots par des ALLEES PLANTEES. Les espaces publics et privés sont ponctués D’EDIFICES ET D’EMPRISES REMARQUABLES |
Le quartier d’Etouvie est un grand ensemble des années 60-70 construit sur d’anciens marécages de la Somme à l’extrémité ouest d’Amiens. Son excentrement, bien ressenti à l’époque de sa création, a provoquérapidement une situation d’enclavement et d’isolement.
Le repositionnement des écoles au cœur du quartier a été l’acte premier de la refonte des secteurs résidentiels jusqu’alors monofonctionnels. Un redéploiement des espaces publics a introduit le principe de la rue associé à celui de l’îlot ouvert. Ces rues dessinent des « lignes de raisons », qui drainent le quartier d’Ouest en Est et accueillent de nouveaux types de logements. Le caractère traversant du quartier est renforcé par l’aisance donnée aux cheminementsdoux, les « lignes de cœur », qui ouvrent le quartier sur lui-même et favorisent les pratiques pédestres populaires. Cette fluidité nouvelle, soutenue par la consolidation du patrimoine végétal, se prolonge par des connexions avec lesespaces naturels et urbains voisins, jusqu’au centre ville.