Pôle Télévisuel
2008, Tourcoing [Nord]
Pôle Télévisuel
2008 Mission complète 5,1 M€ HT (valeur de 2008)
Communauté Urbaine de Lille (LMCU) Tourcoing [Nord]
Pierre Bernard architecte |
Lors du concours en 2003, une des attentes architecturales était de conserver les façades de la teinturerie et du séchoir qui lui est perpendiculaire. Notre choix a été d’emblée de conserver les volumes et pas seulement les façades, de même que quelques principes morphologiques qui nous semblaient déterminants dans l’histoire de ces sites industriels : par exemple, le principe des cours autour desquelles s’organisent les bâtiments de production, de stockage, et les bureaux.
Deuxième choix : nous avons sorti la fonction de tournage télévisuel qui exige une grande hauteur libre, pour ne pas saturer les volumes existants (une des qualités de ces derniers étant leur ampleur et leur respiration) : |
3. Cette « famille » de volumes différents et pourtant d’échelles comparables autour d’une cour reconstituée était une manière d’engager un processus d’association de constructions hétérogènes qui pouvait avoir vocation d’exemple pour tout l’îlot. L’externalisation de la fonction silo dans des volumes neufs laissait une surface vacante importante dans le grand bâtiment de la teinturerie. Nous avons pris et tenu le pari de réaliser le programme et le traitement de l’enveloppe de toute la teinturerie dans le prix de base. Une entreprise audiovisuelle supplémentaire pouvait donc être installée (à venir) à moindre frais dans le reste du bâtiment dont la qualité architecturale était garantie. Cela répondait à une caractéristique remarquable du concours : il fallait en annexe du projet architectural remettre une proposition de développement de l’îlot qui fasse valoir le pôle télévisuel comme moteur initial : valorisation des bâtiments remarquables du périmètre, porosité de l’îlot pour le faire vivre au rythme de la ville, adresses différenciées vers le quartier et à l’intérieur de l’îlot, organisation à partir de cours successives, étagement selon la topographie etc. |
Une attitude sur la réhabilitation Une proposition d’architecture neuve qui développe une urbanité à partir de la forme « industrielle » actuelle de l’activité. Réhabilitation et construction neuve sont liées au sein d’une même « façon » de construire, de porter une considération aux ouvrages et au travail des constructeurs (les ouvriers du bâtiment). La question de la déqualification est très prégnante aujourd’hui mais d’une certaine manière les bâtiments à réhabiliter de cette époque témoignent déjà largement d’une déqualification du travail (ces constructions sont contemporaines du passage de la manufacture à l’industrie dans le travail du textile). Les maçonneries, même quand elles affichent un classicisme d’ « écriture » architecturale relèvent d’un travail d’empilement de briques avec des modénatures de pièces préfabriquées en série par des ouvriers extérieurs, les charpentes sont en planches ou en fers T boulonnés etc. Notre attitude n’est pas celle d’une patrimonialisation qui voudrait faire des constructions un ensemble homogène, se référant à une unité de savoir-faire : elle a consisté à interpréter des capacités volumiques, des ordonnancements, |
des rythmes, une matérialité qui font évidemment des espaces mais qui portent aussi les indices de savoir-faire déjà très morcelés et d’une histoire propre à chaque construction et même quelquefois à chaque partie de construction. |
La construction neuve : Elle est en second rang par rapport au boulevard, derrière les bâtiments existants conservés sur le périmètre de l’îlot (la teinturerie et le séchoir). Mais ce second rang ne se caractérise pas comme un arrière : c’est le retournement d’une capacité d’adresse publique (auparavant exclusivement réservée aux façades sur boulevard) vers un intérieur d’îlot voué à devenir un morceau de la ville. La question était de « s’adresser à » avec des volumes parfaitement opaques et aveugles puisqu’étant ceux de studios de tournage. Sont donc exploitées les vertus de la frontalité accompagnée d’un certain mutisme efficace, du volume (donc de la profondeur) et de registres (hauts, bas). Les proportions de ces volumes et de leurs creusements font valoir des épaisseurs dans la masse. Les deux studios sont disjoints mais reliés par une galerie à l’étage qui forme un porche en écho légèrement décalé avec celui existant dans la teinturerie. Le béton, coulé toute hauteur, est partiellement recouvert en soubassement par des pans de briques de parement. Ces pans se dressent quelquefois sur les 11 mètres de hauteur ou s’étendent sur une terrasse visible mais non accessible là où un volume semble avoir été soustrait. |
La migration de la brique depuis les bâtiments existants vers la construction neuve ne suppose pas un mimétisme de mise en œuvre : le module 9×9 x30 est réversible et peut donc se retourner pour se présenter sur sa face perforée. Le calepinage de ces pivotements de la brique émaille la surface de trous selon une rationalité proche du carton perforé (Jacquart) qui commandait les machines à tisser. Le principe du plan en applique se transmet aux ouvrages métalliques de bardages et de portes qui occultent les baies dans le béton à rez-de-chaussée. Il n’y a pas de porte qui s’autonomise, qu’elle soit à battant simple ou sectionnelle : elle se fond dans un ensemble plus grand qui vaut par son échelle. Les bétons supportent un seul registre d’ouvrage : le plan en applique qu’il soit en brique ou en acier.La brique en panneaux appliqués sur les parois revient, par retour, sur certaines surfaces de murs de la teinturerie trop abimés ou dont l’ordonnancement des percements n’avait plus de sens à force de bricolages successifs. L’abstraction de ces plans de brique neuve tranche sur la maçonnerie existante : même vêtement non ajusté que pour les parois béton, laissant paraître le pied, un flanc, la tête. |
Dans cet échange de bons procédés, le cube béton se déplace et colonise un angle désolidarisé du séchoir : le volume d’un tout petit studio est suspendu en hauteur, proche des grands studios. La cour de service entre bâtiments neufs et existants est ainsi définie par un vis-à-vis où les logiques, les ordres, les natures d’ouvrages s’affirment et s’échangent en même temps. Le travail du paysagiste sur la topographie, les pentes, les reliefs, la présence végétale est autant déterminant que les bâtiments dans la construction de l’espace « de service » qui prend valeur d’espace urbain. |
Le pôle télévisuel est le premier bâtiment réalisé sur l’ancien site industriel textile Vanoutryve, devenu trois ans plus tard la Plaine Images de l’Union. Ce projet a fait de ce site l’îlot pilote d’une reconversion économique ambitieuse autour de l’image.
Le pôle articule deux studios neufs d’enregistrement et deux édifices réhabilités, le séchoir et la teinturerie, qui abritent la post-production, l’accueil et les bureaux.
On passe du boulevard Descat à l’allée des studios par une succession de volumes qui se joignent. Un lien les unit, qui n’est pas seulement fonctionnel. La brique migre sur les grands volumes en béton des studios, elle les ceinture ensoubassement, les habille et les découvre parfois en hauteur.
L’intérieur du séchoir trouve une nouvelle dimension grâce aux cabines de post-production «suspendues» sur un hall qui se poursuit jusque sous la couverture en sheds. Les bâtiments neufs séparés par une cour intérieure se relient également aux bâtiments anciens par une galerie de liaison en porte-à-faux.