Le Chœur de Lumière
2008, Bourbourg [Nord]
Le Chœur de Lumière Avec le sculpteur Sir Anthony Caro 2001/2008450 m2 SHON 2,56 M€ HT(valeur 2008)
SIVOM de l’Aa
Pierre Bernard architecte mandataire
Anthony Caro représenté par
Crédits photos : |
Dès qu’il a été approché par le Ministère de la Culture, Anthony Caro a émis deux souhaits : disposer d’une maquette à l’échelle 1/20° de l’ensemble oriental de l’église et être accompagné d’un architecte français. Il posait ainsi une double relation à l’architecture : d’abord partir d’une représentation spatiale précise du lieu, et s’assurer d’un dialogue dans son interprétation, qui ménage aussi une interface avec les partenaires impliqués dans la décision (administrations locales et d’Etat) ou dans la participation active à l’œuvre (mécènes fournisseurs de matériaux et entreprises de construction).
L’interprétation du lieu a été constamment au principe des choix volumétriques, matériels ou techniques. L’œuvre a été faite avec le lieu, compris dans ses qualités propres, immédiates pour ainsi dire, même si cette immédiateté est chargée d’histoire. C’est dire que l’espace architectural s’inclut dans l’espace propre de la sculpture et qu’il n’est pas seulement le contexte dont se déduirait une proposition sculpturale. Dans la relation très serrée, très contenue entre œuvre et lieu, l’expérience de l’espace architectural s’est trouvée modifiée par l’approche presque tactile dont |
l’artiste procède de la lumière, de la profondeur, du corps physique des ouvrages et du corps en mouvement de ceux qui les pratiquent. La position et le mouvement des corps, qui sont autant de postures de l’esprit dans cette œuvre, prennent un relief particulier dans l’espace gothique dont l’essence même est la lumière transcendante.
Une des composantes de l’œuvre est sa matérialité, à laquelle Anthony Caro porte un grand soin. Cette matérialité entretient des parentés avec l’architecture de notre temps : profilés d’acier corten de la tour extérieure, feuilles d’acier brut des niches ou de l’autel, bois massif des tours intérieures, et cette fois-ci à Bourbourg, béton des fonts baptismaux qui a été pensé et mis au point avec celui du sol restauré du chœur. L’intersection des espaces et des procédés de la sculpture et de l’architecture a supposé que l’œuvre soit passée au crible d’une technique constructive ne serait-ce que pour assurer sa réalisation et sa stabilité (l’ingénieur Marc Malinowski est intervenu plusieurs fois en conseil pour la mise en œuvres des pièces). Mais surtout, ce sont les techniques constructives et les savoir-faire qui ont été mis en question pour servir l’œuvre. |
Ainsi les assemblages du menuisier Joylon Oliver, qui font valoir la circularité des poutres des tours en bois, fonctionnent-ils à l’envers d’un système poteau/poutre traditionnel. On n’est pas dans un effet de vérité constructive simplifiée tel qu’il hante l’architecture moderne par exemple. La franchise de la sculpture d’Anthony Caro n’a rien de pédagogique. C’est l’espace produit qui est en jeu dans le détail constructif. L’entreprise de maçonnerie Sotrasen qui a réalisé le sol du chœur n’a pas mimé un sol de pierre même si le format des dalles pourrait le laisser croire. L’indice d’un matériau coulé (et non taillé) apparaît à l’arrondi de chaque angle et produit une nappe minérale étale, légèrement décollée des murs, qui leste la verticalité gothique. C’est de cette attention que le fruit détail constructif de l’émergence des fonts a la disposition d’esprit transmise aux entreprises est directement issue de la manière dont Anthony Caro a construit un savoir-faire propre à son atelier, convoquant les techniques constructives plutôt que les appliquant, dans une liberté et un recul critique souvent ingénieux. Le processus constructif qui sert le processus créatif ne s’en distingue pas dans le résultat concret de | l’œuvre : il a pu même à certains moments le précéder et s’est inscrit dans une constante recherche itérative. Depuis la maquette au 1/20° fournie par la Direction des Affaires Culturelles, Anthony Caro en a monté une autre au 1/10° sur la base de relevés précis. Cette dernière était le référent constant, modifiée, fatiguée, exploitée autant que nécessaire au gré de chaque soupçon d’idée nouvelle. Parallèlement sont venus des essais à l’échelle ½ ou en grandeur réelle, impliquant les réalisateurs futurs et dont on peut dire qu’ils sont plutôt des prototypes que des maquettes.
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Des esquisses d’assemblages pouvaient être alors travaillées (pour le bois) en même temps que l’on pouvait vérifier la pertinence d’une pièce dans l’espace réel (le modèle des fonts a été importé dans l’église avant d’être finalisé). Ce n’est qu’après une première épreuve directe de la manière de faire qu’une transcription de toutes les pièces (à l’exception de celles façonnées par Anthony Caro) en dessin technique a été réalisée pour être exploitée par les entreprises de construction (charpente métallique, menuiserie, maçonnerie). Ces entreprises n’en devenaient pas pour autant des exécutantes puisqu’elles avaient été impliquées avant que les pièces soient dessinées (ce qui diffère, au passage, de la production de l’architecture). Le sculpteur, en visitant l’architecture L’œuvre d’Anthony Caro est plus qu’une interaction de la sculpture avec l’architecture : elle est une question à la manière de penser et produire l’architecture. |
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En mai 1940, l’église de Bourbourg subit un bombardement qui détruit la couverture dans un incendie et provoque l’écroulement de la grande voute gothique. Le pavement est démonté pour les besoins de l’occupant. La nef et le transept ont été restaurés à partir de 1955, mais l’ensemble oriental du chœur, de l’avant chœur et de ses bas cotés sont restés fermés au culte et soustraits à la vue par une cloison de briques depuis la guerre jusqu’en 2008.
En 1999 une commande publique d’envergure est engagée avec le sculpteur britannique Anthony Caro qui s’associe à l’atelier pour investir ce lieu qui deviendra un baptistère au cours du projet. Chaque sculpture est une œuvre, un ouvrage d’art et un espace architectural dans l’espace du monument historique. Le sol a été complètement repensé pour être partie intégrante de la sculpture. La collaboration avec A. Caro pour ce projet exceptionnel a déplacé nos façons respectives de penser et produire la sculpture et l’architecture.