Collège Parmentier
2002, Montdidier [Somme]
Collège Parmentier
1999/2002 Mission complète
Conseil général de la Somme
Pierre Bernard architecte mandataire |
1/ Le commencement
Le lieu et la construction se comprennent par leur développement plus que par leurs limites. Précisions sur le commencement : j’ai discerné dans les ouvrages construits et la population végétale le principe d’un commencement, c’est à dire qu’une énonciation s’amorçait en balbutiant déjà de manière affirmative mais non définitive. |
Cela tient sans doute à la simplicité de la construction, et à la manière dont le vivant s’y associe en se développant.La construction est proche de l’abri de base avec une disponibilité maximale. L’idée du commencement s’y tient justement parce que tout est possible depuis cette base. (Ce qui distingue le travail de Prouvé : il construit avec ce que Benjamin prête au barbare c’est à dire peu de choses pour commencer par le commencement. Il n’a emporté avec lui que les gestes qui servent à explorer une matière qu’il décide de regarder pour la première fois.)Parallèlement, la densité végétale se disperse depuis les bâtiments. Les plus grands sujets sont plantés au pied, proches, contre les bâtiments. L’organique est agrégé à l’inorganique, dans un principe de développement restreint mais pas limité.Le projet est l’interprétation de ces données. Il met en forme un mouvement commun au construit existant, au végétal et au nouveau bâtiment en évitant de cristalliser un centre qui puisse faire figure d’origine. |
L’escalier par exemple est une forme qui se constitue comme l’inverse d’un noyau dur : c’est moins un volume qu’une organisation de plans dressés dont la géométrie est toujours «soustractive ». L’escalier flotte dans le vide concentré entre les deux bâtiments existants. Cet endroit est précisément celui où le mouvement général se condense puis se déploie. Le lieu qui condense le mouvement horizontal est marqué par une verticalité que l’on peut pratiquer physiquement. C’est ce mouvement qui génère la raison du bâtiment neuf : d’abord son étirement vers le Nord, ensuite la superposition des volumes « coulissants ».Le vide entre les bâtiments se concentre un peu plus, se peuple mais ne s’annule pas. Le sol prend alors de la valeur. Il n’est pas laissé libre, il est libéré. Il opère comme un matériau conducteur, une topographie des cheminements démultipliés. Il est lui-même différencié en régions attractives ou hostiles. |
La présence des structures et du pied de l’escalier charge le sol, aimante les croisements, les passages, les trajectoires. |
2/ La structure, la profondeur.
La grande vertu de la structure est son indifférenciation qui la fait valoir comme principe au sens premier, non affecté, détaché de toute valeur d’usage ou d’espace. La version cultivée, c’est-à-dire investie d’une valeur d’espace en serait le plan libre. Le corollaire de l’indifférenciation est le caractère illimité du développement de la structure. Aucune limite engendrée par le principe lui-même : les bâtiments pourraient s’étendre indéfiniment et répondre à tous usages.Approche critique. |
La profondeur concrète est donnée par une stratification en plans géométriques, qui prennent ceux de la structure comme référence mais pas comme limite. La profondeur n’est ni épaisseur ni masse. Le volume n’est pas un corps mais une qualité de relations. La couleur peut rejoindre cette qualité. Comme pour le volume, la quantité d’une couleur participe à sa qualité, mais n’est pas unité de mesure. Elle ne vaut qu’une fois, à l’endroit où elle est. La couleur construit la profondeur quand elle permet de dépasser la mesure d’une distance. Ce qui vient affleurer en façade par les volumes colorés, c’est la profondeur. Entre les façades nord et sud se tient une profondeur. La profondeur en suppose toujours d’autres (celles du terrain de sport, puis des champs) La profondeur est la condition des espacements. Naum Gabo dit « l’espace c’est la profondeur continue ». La profondeur est ce qui nous revient quand nous pensons la construction comme étendue (c’est la même chose pour un paysage).Ce qui désigne l’habité dans ce projet, c’est l’affleurement du volume quand il réagit à la |
structure (c’est aussi valable pour la grande paroi béton de la bibliothèque). La définition du volume lui-même n’est pas déterminante : long, petit, court, parallélépipédique etc. .. Ni même sa position au sens statique. C’est sa position au sens où elle se comprend comme relation qualifiée par une préposition : au-dessus, vers, le long, avant, au travers, autour. Dans ce sens, poser et préposer, c’est faire une tentative de peser sur notre rapport aux choses et donc de les penser. Aucune des choses qui composent notre environnement vital n’est plus de génération naturelle. Que ces choses soient utilisées telles que l’industrie les livre (profilés, panneaux etc.) devient alors un vecteur du projet. Non pas pour les idéaliser mais pour leur autonomie : elles sont elles-mêmes sous leur forme marchande. Cette autonomie est la condition pour que la structure soit la matière du projet. Mais il faut alors entendre la structure comme relation complexe entre les formes et pas seulement statique ou additive. La tentative, la visée serait de développer une énergie relationnelle dont les formes seraient la mise en œuvre, indissociable de la mise en œuvre du chantier : un |
champ de formes construit comme un champ de forces. Là aussi, nous ne pouvons réduire la forme à la formule esthétique d’un style. Par exemple, la forme marchande des composants de la construction est ce qui laisse émerger le plus immédiatement l’indice de leur processus de production (cette valeur indicielle veut dire que l’on peut analyser la forme marchande en tant que forme). Le projet comme relation confère aux choses des propriétés qui n’existent pas hors de sa mise en œuvre spécifique. Une autre circulation d’indices est alors possible qui sera aussi fonction des rapports de production – et le cas échéant de nos positions critiques. |
Le collège Parmentier, appartient à la génération des « modèles » des années 50 à 70 construits selon les procédés industrialisés de l’époque (préfabrication béton ou structure métallique), mais il présenteun grand intérêt parce que le projet et les composants ont été mis au point par Jean Prouvé avec la CIMT en 1965. Le choix a donc été fait de conserver l’intégralité de la structure très légère en la rendant expressive et en exploitant tout son potentiel.
Une extension pour créer des ateliers d’horticulture, nécessitant un isolement phonique important est ajoutée aux deux bâtiments principaux d’enseignement. La structure béton, pondéreuse et linéaire, est formellement différente de celle, légère et ponctuelle, des bâtiments existants. Elle en décline cependant un principe : celui du développement illimité, cher aux recherches constructives des années 60. La présence, l’échelle, les figures végétales s’invitent dans la construction et troublent les rapports convenus de l’inerte et du vivant.